Entrée libre pour cette conférence animée par Jean-Jacques Charpy, conservateur honoraire du Patrimoine.
A noter aussi : Après Châlons en Champagne (avril à juin 2013), la Maison du département de Reims héberge l’exposition très documentée sur la vie et la personnalité de ce savant ancien propriétaire du château de Baye.
Le savant Joseph Berthelot de Baye ((1853-1931) est le dernier représentant d’une longue lignée aristocratique d’origine bretonne ayant acquis par échange, au XVIIe siècle, la baronnie de Baye en Champagne. Le baron naît à Paris où il va poursuivre ses études jusqu’au secondaire. Il préfère le calme de la province et choisit de passer le plus clair de son temps au château familial de Baye, délaissant très volontiers l’hôtel particulier parisien.
C’est vers l’âge de treize ans qu’il découvre la préhistoire en ramassant des outils en silex lors des parties de chasse avec son père. Il est initié à cette science par son cousin, le comte de Mellet puis par son précepteur, l’abbé Bordé. C’est pendant l’hiver 1871 et l’année 1872 qu’il fait fouiller plus d’une centaine de sépultures collectives (3500-2700 av. J.-C.) creusées dans la craie. Les résultats de ce travail sont tout à fait novateurs pour l’époque et ces tombes ont aussi livré des sculptures en bas-relief (haches emmanchées et divinités). Il se consacre ainsi à l’archéologie locale jusqu’en 1890 en faisant explorer les proches rives des marais de Saint-Gond dans le sud-ouest du département de la Marne. C’est ainsi qu’il a collecté et acheté plusieurs milliers d’objets qu’il présente dans une grande salle de l’aile nord du château de Baye, musée qu’il inaugure en 1875 et qui a été visité par les plus grandes sommités archéologiques européennes. Cette collection entre en 1906 au Musée d’archéologie Nationale.
Sa participation au Congrès d’Archéologie de Moscou de 1890 lui fait découvrir des collections similaires à la sienne et lui fait rencontrer des personnalités russes francophiles avec lesquelles il va rester en étroit et amical contact : le prince S. Chéréméteff, le comte N. Scherbatof. C’est alors que le baron tourne toute son action vers la Russie impériale, pays en mutation industrielle et économique à ce moment. Il pense alors pouvoir jouer un rôle dans le rapprochement des deux nations et ainsi réaliser son rêve d’adolescent : devenir diplomate comme le fut son oncle paternel. Le baron obtient de l’Etat français des missions de 1890 à 1914 qu’il réalise par des séjours de trois à six mois financés sur ses revenus propres. Après plusieurs voyages, il réalise que la Sibérie lui offre un terrain riche pour des recherches préhistoriques et des études ethnographiques sur les populations animistes partiellement christianisées et menacées d’acculturation par la colonisation. Malheureusement, sa santé pulmonaire très fragile ne lui a permis que deux campagnes (1896 et 1897) qui l’ont conduit jusque sur le fleuve Ienisseï. C’est alors qu’il s’est tourné principalement vers le Caucase et surtout la Géorgie où il séjourne régulièrement de 1899 à 1906. Sa curiosité naturelle l’a amené à porter son regard sur les populations s’ouvrant ainsi plus largement à l’ethnographie, la littérature, les arts, l’artisanat mais aussi comme catholique à l’histoire du christianisme, sa diffusion, ses sanctuaires, ses hauts-lieux.
A chacun de ses retours à Paris, il rend compte de ses voyages, par la presse, par des expositions et surtout par des opuscules qu’il édite et diffuse lors de conférences notamment celles de la Société de Géographie économique. Avec les objets qu’il rapporte, il fait de nombreux dons à des musées russes et français. Il est à Saint Pétersbourg quand éclate le premier conflit mondial. A partir de 1917, il a beaucoup souffert des privations, des brimades, de sa double incarcération et du développement de son cancer. Sa santé s’étant fortement dégradée à Moscou, il doit son retour en France le 6 octobre 1920 à une intervention de Madame Trotsky.
A Paris, il retrouve sa femme et sa fille cadette auréolées de gloire pour leur conduite pendant la guerre et constate avec tristesse les dégâts occasionnés au château par les troupes prussiennes.
Les dix dernières années de sa vie sont marquées par un déclin progressif de sa santé, la ruine financière (emprunts russes), l’obligation de vendre des biens immobiliers. Il tente en vain de reprendre une activité archéologique. Ses derniers moments de bonheur, il les doit au Dr L. Capitan et à l’abbé P. M. Favret qui ont sauvegardé sont œuvre archéologique par le classement comme Monuments Historiques des sépultures collectives qu’il avait mises au jour dans sa jeunesse. Il s’est éteint à Paris puis est enterré dans la chapelle funéraire familiale Saint Roch de Baye.
C’est dans l’oubli que s’est achevée la vie de cet homme, tant attaché à sa région champenoise après avoir reçu de nombreuses récompenses internationales et les plus hautes distinctions des cours européennes, notamment celles impériales de Russie.J.-J. Charpy
Conservateur en chef honoraire du Patrimoine